«Avec la faible croissance du PIB belge ces dernières années, on voit que sans l’immigration, la Belgique serait en récession. » Voici ce qu’assure le politologue et spécialiste des migrations, François Gemenne, mercredi, dans une enquête de La Libre Belgique, alors que les effets de l’immigration resteraient négativement perçus par 72 % des Belges, selon un sondage Ipsos de 2011.
D’après une étude comparative de l’OCDE reprise par le quotidien, « l’effet fiscal et budgétaire des immigrés en Belgique » avoisinerait les 3.500 euros de moyenne, ce qui représenterait près de 1 % du PIB du pays, « pensions mises à part ». De quoi faire dire que « l’immigration ne coûte pas, elle rapporte ».
Comme la France, plus ou moins
En février dernier, Arnaud Montebourg, alors ministre français du redressement productif allait lui aussi dans ce sens, en déclarant sur le plateau du "Grand jury" RTL/ Le Figaro /LCI que « l'immigration coûte 47,5 milliards et (…) rapporte 60 milliards » à son pays. De nombreux rapports renforcent ce bilan, à commencer par une étude de l’université de Lille de 2009, citée par La Libre, et un audit de l’Assemblée nationale française datant de 2011. « Même le conseil d'orientation des retraites parvient à la conclusion que les immigrés pèsent d'un poids positif dans la sauvegarde de notre système social », concluait l’actuel ministre de l’Économie française.
En Belgique, si de telles études n’ont encore jamais vu le jour, nombre d’économistes tombent d’accord avec le constat français, à quelques nuances près. « L’immigration en Belgique a plus ou moins le même âge qu’en France, mais elle est plus qualifiée (…) plutôt intra-européenne », à 70 %, selon le rapport annuel Migration, du centre fédéral Migration, sorti le 24 juin dernier.
« Des effets positifs », mais un vrai paradoxe
Professeur à l’UCL, Frédéric Docquier confiait à la Libre les bienfaits de l’immigration, qui génère « généralement des effets légèrement positifs sur les salaires, tout en affectant très peu le taux de chômage ». Une déclaration vérifiée par les données de l’OCDE, qui noterait un impact de + 0.27 % sur les salaires, via l’immigration.
Si les chiffres sont plutôt bons, ils pourraient être bien meilleurs, car si la Belgique est un des pays européens où les immigrés rapportent le plus, il est également l’un de ceux où leur chômage est le plus conséquent.
Parmi les immigrés nés hors Europe, il flirterait avec les 14 % pour les immigrés, d’après l’étude de la Banque Nationale de Belgique, parue en décembre 2012, voire 17 % pour l’OCDE. En revanche, seuls 6.7 % des immigrés actifs européens seraient sans emploi.
« Il y a un énorme potentiel à exploiter, mais (il) se trouve bridé par les discriminations dans l’accès à l’emploi », poursuivait François Gemenne, en accord avec le rapport parallèle du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CERD), de janvier 2014.
Une diminution historique du nombre d’immigrés
Une véritable aubaine qui, outre les inégalités et les discriminations, pourrait ne pas être pleinement exploitée d’après La Libre. La faute à une baisse de 10 % de l’immigration internationale en 2012, la première depuis deux décennies.
Entre 2011 et 2012, « la différence de 13.500 immigrés enregistrée priverait l’État belge, en théorie, de 47 millions d’euros de recettes fiscales », écrit la journaliste, avant de pointer les conséquences sur le marché du travail : « Sans pouvoir prédire l’avenir, on peut aisément imaginer qu’à la sortie de crise, on manque de capital humain dans certains secteurs, ce qui pourrait freiner la reprise et nous déforcer au niveau international », explique l’économiste Frédéric Docquier à La Libre.
De son côté, le centre fédéral Migration tient à rester plus prudent dans son bilan, avançant qu’« à ce stade, il est difficile de tirer de grandes conclusions sur la diminution des immigrations ».